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Interview Véronique Phan

Merci à Véronique Phan pour la participation à cette interview instructive sur la colère.

 

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste exactement la maîtrise de la colère et pourquoi est-ce important dans notre vie quotidienne ?

Maîtriser sa colère, c’est apprendre à stabiliser ses émotions et son esprit afin de répondre avec discernement à une situation perçue comme transgression de notre espace personnelle.

Souvent la colère surgit lorsqu’il devient nécessaire de remettre de l’ordre et de l’équilibre dans une relation. Lorsqu’on maîtrise sa colère, on arrive à s’exprimer avec fermeté nos besoins et désirs sans pour autant démontrer agressivité ou violence, à prendre en compte les besoins ou objections de l’autre personne, et forcément on trouve des solutions satisfaisantes. C’est la voie de la paix, de l’efficacité et du bien-être.

Un exemple de colère bien maîtrisée est celui de Gandhi, qui a canalisé la colère du peuple Indien entier pour lui rendre sa souveraineté.

Il faut bien comprendre que sans colère, on ne passe pas à l’action, donc elle est nécessaire.

Néanmoins on peut le faire sans créer de souffrance inutile.

 

Quels sont les signes et les symptômes courants de la colère non maîtrisée que vous rencontrez chez vos clients ?

Bien sûr nous connaissons tous des personnes qui partent dans des rages incendiaires, où les personnes agissent et parlent sous le coup de l’émotions.

Mais il y a aussi les accusations gratuites, les recours à la mauvaise foi et toutes les sortes de leviers psychologiques pour « blesser » l’autre et l’affaiblir dans sa position lors d’une confrontation.

L’irritabilité, le stress sont des signes précurseurs que la colère s’accumule, et qu’elle ne demande qu’un déclencheur pour s’exprimer pleinement.

 

Quelles sont les causes les plus fréquentes de la colère et comment les identifiez-vous lors de vos séances de coaching ?

Il y a les agressions ponctuelles :

Être témoin ou victime d’une injustice flagrante, d’atteintes au droit et a à  la liberté personnelle, faire l’expérience du déni de l’autre (lorsque quelqu’un ignore ou nie causer votre souffrance), le manque de respect.

Mais aussi les agressions répétées :

Les blâmes et les reproches permanents, la pression constante qui peut provenir de l’environnement de travail (pression de la performance), ou des relations familiales.

Lorsqu’on évolue dans un environnement négatif et agressif, nous sommes sujets au stress et aux tensions, ce qui crée les parfaites conditions pour des explosions de colère.

Et enfin, beaucoup plus subtils : la pression que l’on se met de la perfection, de la performance, mais aussi l’hostilité de notre voix interne qui nous rappelle nos innombrables erreurs et défauts jusqu’à nous en traumatiser.

Avec le client, la manière de les identifier est simplement à travers l’écoute et le dialogue approfondi.

Il est très important que le client puisse s’exprimer et se livrer en toute confiance, puisque c’est à travers son récit et ses ressentis que nous identifions ses croyances, perceptions et pensées. Je m’applique à écouter ce qui n’est pas exprimé aussi :  les tristesses, déceptions et angoisses, de même que les désirs, les attentes et les besoins.

Nous creusons jusqu’à ce que nous arrivions à une compréhension claire et complète.

Je m’appuie aussi sur l’hypnose légère afin de permettre au client d’accéder à une compréhension élargie: soit il reconnaît des comportements incohérents dus à des blessures passées, soit il prend conscience de détails et informations qu’il n’avait pas remarqué auparavant. D’autres fois, il voit clairement les manipulations et les motifs de l’autre.

Cette clarté permet souvent à la solution d’apparaître, comme par magie.

 

Quelles techniques utilisez-vous pour aider vos clients à reconnaître et à réguler leur colère ?

Mes méthodes reposent sur le développement de la conscience de soi, la connaissance de soi et la communication positive.

La conscience de soi, c’est reconnaître ce qui nous traverse au moment où ça nous traverse. Cela inclut les sensations physiques, les ressentis, de même que les pensées.

La connaissance de soi, c’est non seulement connaître nos besoins, nos désirs, nos attentes, mais aussi les différentes parties de nous, comment elles s’expriment et agissent, afin de pouvoir les harmoniser. Il faut voir ces différentes parties de nous comme notre équipe, avec ses ressources propres et ses limitations, qu’il faut comprendre avant de bien gérer.

Et enfin, je leur enseigne une méthode de communication positive, qui leur permet d’exposer avec confiance et obtenir ce qu’ils désirent établir.

Parmi les techniques que j’emploie, le dialogue thérapeutique, la NLP, la visualisation créative, l’alchimie émotionnelle.

Avec la colère le travail se fait principalement en amont, et le résultat devient visible pendant les moments de tension.

Entraîner son corps et son esprit à trouver le calme et le bien-être dans le quotidien est de loin la pratique la plus bénéfique et efficace :

La technique de méditation la plus simple et accessible est de scanner son corps pour toute tension existante et détendre le membre ou l’articulation tendu. J’offre à mes clients des méditations sur mesure que nous enregistrons lors de nos séances ensemble.

Bien que très simple, cet exercice a deux grands mérites :

  • Elle développe une plus grand conscience du corps et de son mental, à travers ses sensations physiques et ressentis.
  • Elle rééduque son corps à un état normal de bien-être, et non de stress permanent.

L’alchimie émotionnelle consiste à plonger au cœur de l’émotion, de la vivre afin qu’elle s’apaise d’elle-même. Cette technique est très puissante, et peut être profondément purificatrice. Du moins faut-il encore accepter de vivre ses émotions pleinement, mais refuser les émotions, c’est un peu refuser d’être humain quand même, non ?

 

Comment différenciez-vous la maîtrise de la colère de la répression des émotions ?

Dans le premier cas on fait de la colère un allié, on comprend son message sous-jacent qui est le besoin de rééquilibrer une situation et de répondre à des besoins basiques. On favorise donc un dialogue interne et une meilleure connaissance de Soi.

Dans le deuxième cas, on l’ignore ne sachant pas quoi en faire, ce qui ne fait que l’alimenter. Et surtout on met de côté un besoin ou une attente essentielle, qui va refaire surface d’une manière plus ou moins abrupte plus tard.

 

Pouvez-vous partager une expérience réussie où vous avez aidé un client à maîtriser efficacement sa colère ?

Une cliente vivait des rages intenses. Loin d’être hystérique, cette personne était même plutôt sympathique, bienveillante et démontrait sa bonne volonté. Seulement il y avait des situations qui la mettait hors d’elle-même, en particulier quand ses enfants faisait de grosses maladresses ou se montraient particulièrement capricieux.

Ces moments étaient fort heureusement exceptionnels, mais elle était devenue irritable et naturellement insupportable pour les siens qui avaient l’impression de marcher sur des œufs autour d’elle. Sa relation de couple était devenue très tendue.

En réalité, ma cliente souffrait d’une forte angoisse de la performance au travail, exacerbée par une vois critique très forte et un environnement de travail hautement compétitif, voire hostile.

Après 3 mois, la cliente réussissait à couper court les accès de colère qui démarraient. Puis au bout de 6 mois, elle s’est stabilisée dans la sérénité, ses colères étaient de moins en moins fréquentes, elles duraient moins longtemps et surtout elles étaient beaucoup moins intenses. En l’espace d’un an, les sujets qui autrefois la mettait en colère n’avait plus d’emprise sur elle, elle avait remis de l’ordre dans les situations qui ne lui plaisaient plus. Enfin elle était capable d’exprimer ses pensées librement et d’amener les autres vers des solutions constructives optimales sans agressivité. C’est elle désormais qui aide ses enfants et son partenaire à canaliser leur colère. Une véritable victoire personnelle !

 

Quelle approche avez-vous utilisée ?

Mon travail s’est développé autour de 3 axes principaux:

  • Assister ma cliente à mettre en lumière son fonctionnement intérieur, dont ses schémas de pensée, les émotions et comportements non intégrés.
  • Enseigner ma cliente comment canaliser ses rages en temps réel
  • L’entraîner à la résolution positive et la communication non-violente.

 

Y a-t-il des exercices pratiques ou des techniques spécifiques que vous recommandez pour gérer la colère en temps réel ?

  • Apprendre à dire non de manière nette à la tentation de donner libre cours à sa colère, tout comme on dit non aux sucreries. (Cette technique devient facile dès lors qu’on a pris la décision ferme de changer). C’est comme d’émettre un son fort comme STOP ou NON au centre de sa tête, puis respirer et se détendre.
  • Une technique plus douce est de prendre conscience des manifestations physiques de la colère et de les suivre dans leur évolution pendant quelques instants. Cela l’aide à s’apaiser d’elle-même. Puis gentiment de porter son attention sur son front crispé, sa nuque et ses épaules, puis les détendre.

Avec le temps on apprend à reconnaître les signes avant-coureurs et se détendre avant que la colère ne monte

 

Comment abordez-vous la question des déclencheurs de la colère chez vos clients ?

Les déclencheurs permettent de remonter à la source de la colère, soit en révélant des récurrences ou événements souffrant du passé, soit en révélant les schémas de pensée négatifs subconscient.

Avec le client, nous travaillons alors sur les 2 plans conscients et subconscients.

Une fois que la cause de la colère est révélée, et que le passé est intégré, les déclencheurs finissent par disparaître.

 

Comment les aidez-vous à faire face à ces déclencheurs ?

Nous libérons les émotions réprimées ou supprimées qui se sont cristallisées lors de ces instances, ce qui permet au client de se réapproprier l’expérience passée, et de l’accepter en pleine conscience.

 

Comment travaillez-vous avec vos clients pour les aider à comprendre les racines profondes de leur colère et à la traiter de manière holistique ?

Comme nous l’avons vu, une réaction de colère forte est due à une accumulation sur le temps d’agressions, de reproches, et de conflits.

Mais la colère est paradoxalement l’expression d’un sentiment d’impuissance profond. Et tant que la personne n’a pas identifié quelle situation la met face à son impuissance, elle ne pourra pas y remédier.

Très souvent c’est dans le passé qu’il faut chercher, la situation présente n’est qu’un catalyseur.

Il est donc important de traiter les trois niveaux de la colère :

  • Identifier l’événement ou situation passée qui est à l’origine du sentiment d’impuissance, pour ensuite l’intégrer.
  • Mettre fin au schéma présent en développant chez le client une nouvelle réponse comportementale,
  • Et enfin, déterminer la pensée subconsciente, croyance, ou schéma de pensée qui a permis au client de se laisser happer dans cette situation et d’en être victime.

Le travail est alors complet, car nous savons que le client n’attirera plus jamais ce genre de situations, qu’il a mis fin à cette souffrance particulière. Et le client met aussi fin à un sentiment d’impuissance qui se répercute dans tous les domaines de la vie – le domaine professionnel, le domaine amoureux, la santé. L’impuissance est le sentiment qui nous rend captif de la vie, et nous fait la craindre.

 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui a du mal à exprimer sa colère de manière saine et constructive ?

Beaucoup de compassion envers lui-même.

De manière unanime, mes clients qui se trouvent dans cette situation ont eu des parents fortement autoritaires, issus d’un système fortement patriarcal, où ils n’avaient pas d’autre choix que de réprimer leurs émotions, au risque de lourdes punitions.

A force de réprimer leurs émotions et de se détacher de leurs besoins, ils ne savent plus vraiment ce qu’ils veulent, ni ce qu’ils ressentent ou ce qui se passe en eux.

Cette personne vit dans une grande souffrance, et ne devrait donc pas hésiter à faire appel à un coach ou thérapeute pour aller vers plus de paix et de légèreté.

Maîtriser sa colère n’est facile pour personne, bien au contraire, et nécessite compassion, patience et concentration. Ceci étant dit, la transformation est réellement à la portée de tous. Et ce faisant, vous offrez un véritable don à votre entourage, car vous en sortez apaisé et lumineux, bien dans votre peau. Vous inspirerez vos proches, c’est une garantie.

 

Comment le coaching peut-il compléter d’autres formes de thérapie ou de soutien dans le processus de maîtrise de la colère ?

Là où la thérapie permet la libération d’anciennes blessures, et de se réapproprier le passé, le coaching permet de se réapproprier l’avenir : en rendant complètement la souveraineté intérieure au client, son avenir n’est plus peuplé d’incertitudes et peurs de saboter ses relation ou de tendances destructrices.

Il a une stratégie personnelle pour faire face aux futures situations, et peut donc les approcher avec sérénité. Il regagne confiance en lui-même ainsi qu’une bonne estime de lui-même.

 

Pouvez-vous partager des stratégies pour prévenir l’accumulation de colère et maintenir un équilibre émotionnel au quotidien ?

Oui, tenir un journal de ses émotions et ressentis. Cela fournit un exutoire au stress et de décharger nos frustrations quotidiennes, mais cela permet aussi d’enregistrer nos pensées, et donc de voir se dégager des thèmes et des schémas.  Et enfin, cela permet de prendre du recul, de se réapproprier les événements, d’y porter un différent regard et de se mettre en contact avec notre propre sagesse.

Se dédier 20 mins de temps pour soi en fin de journée, juste pour être présent à soi-même et ses ressentis, et revenir au calme.

S’accorder un moment de pur plaisir chaque jour : que ce soit de chanter sous la douche, jouer de votre instrument favori, d’aller jouer au tennis avec vos amis, appeler quelqu’un que vous aimez, octroyez vous du pur plaisir – et surtout ne cédez pas sous le prétexte que vous n’avez pas le temps. Lorsque vous vous refusez la joie quotidienne, vous allez inévitablement développer du ressentiment contre vous-même et les autres.

Quand on est épanoui, on n’est plus disponible pour la colère.

Agir et ajuster les situations qui vous déplaisent quand elles se présentent : la colère n’est autre qu’une accumulation de reproches, ressentiment, frustration et de stress ou lorsqu’il y a eu transgression de votre espace personnel.

La colère demande à mettre une limite ferme, c’est une énergie qui réclame une action nette. Elle demande le respect ! Apprendre à faire respecter vos limites avec fermeté mais sans agressivité.

Et parfois il s’agit juste de décider que rien ne viendra perturber votre bien-être.

 

Quelles sont les erreurs courantes que vous voyez les gens commettre lorsqu’ils essaient de maîtriser leur colère par eux-mêmes ?

L’erreur principale que nous faisons tous en essayant de maîtriser nos colères, c’est de la réprimer, voire de la supprimer : nous voyons arriver les premiers signes de colère et nous sortons vite de notre arsenal nos techniques de respiration et de relaxation, tournant notre attention vers la résolution du problème. Toutes ces techniques sont justes mais ne doivent pas se substituer à la compréhension plus fondamentale du besoin qui n’est pas pris en compte.

Apprendre à décoder sa colère requiert de l‘attention et de la pratique, et surtout de méthode -comme tout autre apprentissage dans la vie !

 

Enfin, quels sont vos conseils généraux pour quelqu’un qui souhaite entamer un processus de maîtrise de la colère et faire appel à un coach ?

Just do it – n’attendez pas.